Article rédigé par Nathalie Schneider dans le cadre du Parcours DD en tourisme, une initiative pilotée par l’Alliance et rendue possible grâce à la collaboration et au financement du ministère du Tourisme.
L’ATR : Tourisme Charlevoix
L’association touristique de Charlevoix consulte sa population, ses entrepreneurs et ses visiteurs pour que les balises de l’industrie soient socialement acceptables.
Impliquer la population locale dans l’élaboration de la Planification stratégique de la destination 2023-2027: c’est l’engagement qu’a pris Tourisme Charlevoix en 2022, à travers une vaste consultation de citoyens, mais aussi de visiteurs du Québec, de partenaires locaux et d’entreprises régionales. Quelque 800 personnes – dont plus de la moitié de citoyens – ont pu faire entendre leur voix pour que l’offre touristique remporte l’adhésion du secteur, mais aussi des résidents confrontés à des enjeux comme la gestion du flux touristique de certains sommets de la région, observée notamment durant la pandémie.
Citoyens et visiteurs ont ainsi fait émerger des pistes de solutions pour que la région de Charlevoix s’impose comme une destination durable. « Les citoyens comprennent bien que le tourisme est un moteur économique important, mais sont confrontés à certains désagréments comme l’augmentation du trafic routier et la hausse des prix de l’immobilier », explique Mitchell Dion, directeur général de Tourisme Charlevoix.
Cette consultation a été suivie par l’instauration de groupes de discussion citoyens pour approfondir le résultat des échanges et faire émerger des solutions concrètes. Celles-ci ont été intégrées à la Planification stratégique de la destination lancée en 2023 et une table citoyenne a été mise en place pour ancrer ces solutions dans la durée.
L’une d’elles concerne le prix plutôt élevé de l’offre touristique: « Nous avons réalisé un inventaire des avantages offerts aux résidents de Charlevoix avec des rabais sur le prix de certaines entreprises touristiques : hébergements hôteliers, stations de ski, parcs, restaurants, musées ou, encore, établissements d’agrotourisme. » Ceci, dans le but que les résidents puissent profiter eux-mêmes de l’offre touristique.
Cette vision citoyenne du tourisme se reflète aussi dans un chantier jeunesse, dont la première étape était le concours Dessine-moi Charlevoix, organisé par l’ATR avec les écoles du primaire en 2022. Les enfants ont été invités à dessiner leur propre interprétation des paysages charlevoisiens; leurs superbes dessins ont été imprimés sur des cartes postales qui sont régulièrement distribuées dans des salons à des fins promotionnelles. Devant le succès remporté par les deux premières éditions, ce concours de dessin revient du 1er au 31 octobre cette année dans les classes de 4e, 5e et 6e années du primaire.
L’ATS : Société des Musées du Québec
Le Guide des bonnes pratiques muséales: cet outil démontre une forte préoccupation et implication pour l’éco et la socio-responsabilité. Et s’impose comme une précieuse source d’inspiration.
L’engagement de la Société des Musées du Québec (SMQ) envers l’éco-responsabilité ne date pas d’hier. Déjà, en 2001, l’ATS intègre un atelier sur le développement durable et l’économie sociale à la programmation de son congrès annuel. Depuis, la SMQ n’a cessé de s’interroger sur la manière de concevoir et de réaliser des expositions à faible impact sur l’environnement et de communiquer ses pistes de réflexion auprès de ses membres: recyclage d’équipement, utilisation de matériaux à faible émission de gaz à effet de serre, tri des matières résiduelles, économie circulaire, et encore plus.
En 2012, l’organisme lance la Charte Musée et développement durable pour inciter les 395 institutions muséales du Québec à réduire leur empreinte environnementale, tant au niveau de leurs bâtiments qu’au niveau des expositions et des activités qu’elles organisent. Pour les appuyer dans cette démarche, la SMQ met sur pied un programme d’accompagnement sous forme de cohortes, rassemblant chaque année dix musées. Cette initiative, destinée à leur permettre d’échanger leurs bonnes pratiques, prend la forme d’ateliers encadrés par Éco Scéno, un accélérateur de transition écologique.
Le dernier colloque de la SMQ (2022-2023) a été reconnu comme Évènement éco-responsable de niveau 3 selon la norme du Bureau de normalisation du Québec en gestion responsable d’événements. Il perpétue sa mission de faire passer le message auprès de ses membres pour que chacun d’eux participent à cette transition vers la durabilité. « Nous venons de développer une trousse à outils qui regroupe un ensemble de références, guides, témoignages, pratiques exemplaires et outils afin d’aider nos membres à passer à l’action », explique Stéphane Chagnon, directeur général de la SMQ.
Cette approche permet non seulement de sensibiliser les responsables d’institution muséale à la nécessité de s’engager vers la transition écologique, mais aussi de leur faire prendre conscience du vecteur idéal que représentent les musées pour engager leurs visiteurs. D’ailleurs, par le biais des thématiques principales choisies et/ou des messages sous-jacents de leurs expositions, les enjeux environnementaux ou sociaux sont de plus en plus présents dans les contenus d’exposition.
Tous les enjeux y sont répertoriés, que ceux-ci soient spécifiques aux établissements muséaux – améliorer le cycle de vie du matériel, sensibiliser le public à l’éco-responsabilité, ou réduire la consommation énergétique des bâtiments – ou qu’ils soient transversaux, c’est-à-dire ceux qui concernent toutes formes d’organisation: calculer ses émissions de GES, réduire l’impact des transports, viser la sobriété numérique ou, encore, privilégier l’approvisionnement responsable pour ne citer que ceux-là.
Pour Stéphane Chagnon, la communication responsable doit être sincère pour éviter l’écueil de l’éco-blanchiment: « Nos actions doivent absolument être en concordance avec nos discours, dit-il. Il est nécessaire d’intégrer ces valeurs à chaque étape de nos actions quand vient le temps de sensibiliser les équipes, d’établir un plan d’action, une charte, bref: poser des gestes concrets. »
L’entreprise : Aventure Rose des vents
Quand le plein air se fonde sur deux valeurs primordiales: l’éco-responsabilité et l’ouverture sur la communauté locale.
Dès la création de cette entreprise saguenéenne, en 2015, l’éco-responsabilité fait partie de son modèle d’affaires. Un an plus tard, ses deux co-fondatrices (deux sœurs dans la vie) sont accompagnées par le Centre québécois de développement durable (CQDD) afin de consolider leurs actions dans le sens de la durabilité. Sa mission : offrir des sorties en kayak ou en ski nordique, la location de vélo, un service de restauration et deux options d’hébergement : auberge et yourte.
« On communique nos valeurs à nos clients par l’exemple, explique Maude Limoges, l’une des copropriétaires. Durant nos sorties, on ramasse les déchets sur le fjord et on voit que les gens le font à leur tour sans qu’on le leur demande. » L’un des outils de communication d’Aventure Rose des vents consiste à envoyer à ses clients, avant leur arrivée, un courriel de confirmation qui détaille les pratiques privilégiées comme apporter une bouteille d’eau réutilisable.
« L’aspect social est primordial pour nous, dit Maude Limoges. Nous sommes installés dans un village de 430 habitants (Sainte-Rose-du-Nord)]et nous travaillons avec des producteurs et des maraichers de la région en circuit court (un circuit de commercialisation qui engage le moins de partenaires possible). D’ailleurs, notre menu change quatre fois par an selon les saisons et les produits locaux. »
L’auberge est aussi un lieu de socialisation pour les membres de la communauté et sert de camp de base pour l’organisation d’évènements publics ou privés: marché de Noël, spectacles, vernissages, fête de famille, etc. De plus, des rabais substantiels sont accordés aux citoyens locaux.
À l’international : divers acteurs du tourisme régional français.
Le nudge marketing : inciter plutôt qu’imposer! Et, si possible, avec humour.
D’après l’Écho touristique, le média français des professionnels du tourisme, le nudge marketing – ou marketing incitatif – « consiste à mettre les individus dans un contexte de choix qui les incite à adopter un comportement spécifique recherché ». C’est un moyen de communiquer son approche auprès de sa clientèle, tout en l’invitant à y prendre une part active. C’est une manière d’inciter le client à opter, par lui-même, pour de meilleures pratiques en termes de consommation responsable.
Un exemple parmi d’autres: le parc national de la Vanoise, en France, a diffusé 17 recommandations sur un ton humoristique afin d’atteindre ses objectifs en matière d’économie d’énergie dans les chambres. Ce mode de communication, qu’on peut traduire par « coup de coude », est aux antipodes du message contraignant, culpabilisant ou coercitif, mais table bel et bien sur la collaboration et l’inclusion, voire la complicité.
Tourisme Occitanie a d’ailleurs récemment lancé un kit de communication à l’attention des professionnels du tourisme pour les amener à relever, par eux-mêmes, 10 défis pour un tourisme durable. L’une de ces pistes consiste à proposer aux visiteurs, une charte du voyageur qui les invite à adopter « la bonne attitude »: privilégier la proximité, consommer des produits locaux, préserver la nature et le patrimoine, notamment.
Cet outil clé en main comprend aussi un argumentaire et une charte d’engagement pour les professionnels, un guide de bonnes pratiques à appliquer sur les réseaux sociaux et un guide conseil pour les organisateurs d’évènement.
En Europe, et en France en particulier, le marketing incitatif marque des points un peu partout. Tourisme Alsace propose à ses membres de recourir à des nudges pour amener leurs clients à adopter des pratiques plus durables. Entre autres stratégies pour réduire la consommation d’eau, le nudge Kara’eau’k propose de scanner un code QR qui dirige vers une playlist de musiques de trois minutes. L’idée est d’avoir terminé de prendre sa douche avant la fin de la musique! Le dispositif s’accompagne d’un visuel sympathique collé tout près de la pomme de douche.
Pour passer le pas : les bonnes pratiques à retenir
- Impliquer l’ensemble des parties prenantes – entrepreneurs, employés, acteurs locaux, résidents, visiteurs – dans la transition du tourisme vers un tourisme plus responsable et durable.
- S’assurer que les discours éco-responsables soient cohérents avec les actions concrètes mises en place par l’organisation.
- Proposer aux professionnels du tourisme des outils pratiques avec des pistes de solution transversales ou spécifiques à leur secteur.
- Inviter les acteurs du tourisme à communiquer et à valoriser leurs actions auprès de l’ensemble de leurs parties prenantes, incluant leurs clients, tout en s’assurant de leur pérennité.
- Pour communiquer de manière responsable, préférer l’approche incitative (et l’emploi de l’humour) à la coercition et à la culpabilisation.