Faits saillants
- 39 % des entreprises touristiques du Québec considèrent la hausse du coût des intrants comme un enjeu qui pourrait constituer un obstacle
- 65 % envisagent une diminution de leurs achats aux États-Unis
- 91 % prévoient favoriser l’achat local en solidarité avec les entreprises d’ici
Le contexte de guerre commerciale avec les États-Unis incite plusieurs consommateurs québécois à délaisser les produits américains au bénéfice des produits locaux. Ils font ainsi d’une pierre deux coups. D’une part, ils expriment leur frustration, d’autre part, ils soutiennent les entreprises d’ici. Le gouvernement du Québec considère d’ailleurs l’achat local comme l’une des façons d’atténuer l’impact de la guerre commerciale sur la croissance économique.1
Or, les consommateurs ne sont pas les seuls à soutenir l’économie en favorisant l’achat local : les entreprises le peuvent également. À cet égard, la presque totalité des entreprises touristiques du Québec prévoit favoriser l’achat local en solidarité avec les entreprises d’ici cette année.2
Cette édition de l’Escale économique se penche sur les difficultés d’approvisionnement et la hausse du coût des intrants, la réduction de la dépendance aux importations américaines, le recours à l’achat local et les bénéfices de ce type d’achat.
Approvisionnement et hausse du coût des intrants
Les droits de douane appliqués par le gouvernement américain et les mesures tarifaires introduites en réponse par les autres pays perturbent les chaînes d’approvisionnement. Ils entraînent non seulement une hausse du coût des importations américaines (étant donné les tarifs imposés sur celles-ci par le gouvernement canadien), mais également une réorganisation des processus d’approvisionnement dans un contexte d’incertitude stupéfiant.
La toute récente Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada révèle que les deux tiers des entreprises canadiennes s’attendent à ce que les coûts de leurs intrants hors main-d’œuvre soient touchés par les droits de douane.3
La Banque du Canada y indique que les coûts ont déjà augmenté en raison de :
- La dépréciation du dollar canadien (qui fait augmenter le coût des importations);
- Le remplacement de fournisseurs américains (par d’autres, souvent plus chers);
- Les répercussions des droits de douane imposés à d’autres pays sur les chaînes d’approvisionnement;
- Les hausses de prix déjà réalisés par certains fournisseurs en anticipation de droits de douanes futurs.
D’ailleurs, la hausse du coût des intrants est l’un des enjeux partagés par le plus grand nombre d’entreprises touristiques : 39 % des entreprises touristiques du Québec considèrent cet enjeu comme un obstacle potentiel à leurs opérations au cours des trois prochains. Pour 8 % d’entre elles, il s’agit de l’enjeu le plus difficile auquel elles s’attendent.4
Réduction de la dépendance aux importations américaines
Afin de minimiser l’impact des droits de douane américains, plusieurs entreprises cherchent à diversifier leurs sources d’approvisionnement en développant des liens avec de nouveaux fournisseurs non américains. Ils parviennent ainsi, d’une part, à combler leurs besoins et, d’autre part, à réduire leur dépendance au marché américain. Il s’agit, de même, d’une façon concrète d’exprimer leur mécontentement et d’agir en conséquence.
Les résultats d’un récent sondage RADAR mené par l’Alliance de l’industrie touristique du Québec auprès de ses 12 000 membres entreprises affiliées entre le 27 février et le 14 mars confirment cette tendance au sein du secteur touristique québécois.5
Nous leur avons posé la question suivante : « À propos des achats de votre entreprise ou organisation (p. ex. intrants, produits et fournitures), quel impact croyez-vous qu’une guerre commerciale avec les États-Unis aura sur leur provenance en 2025 ? ». Sur la base de 526 répondants, nous constatons que :
- 59 % des entreprises et organisations touristiques du Québec envisagent une augmentation de leurs achats au Québec;
- 41 % une augmentation de leurs achats au Canada;
- 65 % une diminution de leurs achats aux États-Unis et
- 42 % aucun changement à leurs achats à l’étranger (excluant les États-Unis).
Prédilection pour l’achat local
Dans le contexte d’ajustement aux chaînes d’approvisionnement et de récession en devenir, la grande majorité des entreprises touristiques du Québec prévoit en 2025 favoriser l’achat local en solidarité avec les entreprises d’ici.
91 % des répondants à notre récent sondage RADAR ont répondu « oui » à la question : « Votre entreprise ou organisation prévoit-elle favoriser l’achat local en solidarité avec les entreprises d’ici en 2025 ». Il s’agit de la presque totalité des répondants lorsqu’on exclut ceux qui ont répondu « je ne sais pas » (4 %) ou « ne s’applique pas » (3 %).
Avantages de l’achat local
Outre de soutenir les commerçants d’ici, l’achat local possède de nombreuses vertus. Il stimule, entre autres, l’économie de nos régions, maintient le dynamisme et la qualité de vie de nos quartiers, préserve des emplois, favorise l’innovation au Québec, réduit l’empreinte environnementale, assure l’application des normes québécoises du travail, simplifie la personnalisation des services et facilite le respect des garanties légales.6,7,8
Une récente étude de la firme d’analyses économique AppEco réalisée pour le compte de l’organisme Les Produits du Québec confirme les avantages économiques et environnementaux de l’achat local. Bien que leurs résultats ne puissent être extrapolés tels quels à l’ensemble de l’économie, ils constituent des éléments de preuve de ces avantages. À partir d’une étude de cas regroupant neuf produits détenant une marque de certification québécoise, les auteurs démontrent qu’en moyenne ces produits génèrent 3,8 fois plus de PIB, 2,8 fois plus de revenus pour les travailleurs, 7,6 fois plus de bénéfices, et permettent de soutenir 3,5 fois plus d’emplois. Qui plus est, les produits importés comparables émettent en moyenne 34 % plus de gaz à effet de serre que les produits locaux.9
Avec toutes ces vertus, il n’est ainsi pas surprenant de constater que le gouvernement du Québec en fait une priorité et l’énumère parmi ses Grands dossiers gouvernementaux.10 Soulignons, à cet égard, que le tourisme fait partie des trois secteurs qu’il met de l’avant auprès de la population québécoise afin de stimuler l’achat local. Les deux autres secteurs promus par le gouvernement sont l’agroalimentaire et de la culture.
Somme toute
En privilégiant les produits locaux et en choisissant des fournisseurs de services québécois, les entreprises et organisations du secteur touristique soutiennent consciemment les entreprises, les emplois et les régions du Québec.
La conjoncture actuelle est propice à l’intensification de ces efforts. De fait, l’engouement actuel pour l’achat local ne peut qu’être salutaire pour l’économie du Québec. En fait, le potentiel est énorme, tel que l’a démontré récemment l’économiste en chef de la BDC. Il démontre, chiffres à l’appui, que ce « petit coup de pouce de la part des consommateurs […] pourrait grandement contribuer à éviter une possible récession causée par l’imposition de tarifs. »11 Souhaitons-le!
Jean Laneville
Directeur et économiste, Centre d’intelligence d’affaires en tourisme
[1] Finances Québec, Budget 2025-2026 – Plan budgétaire (page B.20), mars 2025
[2] Alliance de l’industrie touristique du Québec, Sondage RADAR, février 2025
[3] Banque du Canada, Enquête sur les perspectives des entreprises – Premier trimestre de 2025, avril 2025
[4] Alliance de l’industrie touristique du Québec, Situation des entreprises touristiques du Québec, avril 2025
[5] Alliance de l’industrie touristique du Québec, Sondage RADAR, février 2025
[6] Conseil québécois du commerce de détail et Les Produits du Québec, Mettre de l’avant les produits québécois pour favoriser l’achat local, octobre 2022
[7] Fonds de solidarité FTQ, Acheter local : d’accord, mais pourquoi?, visité le 9 avril 2025
[8] Gouvernement du Québec, Politiques et orientations – Achetons québécois, avril 2025
[9] AppEco, Les retombées économiques de l’achat de produits détenant une marque de certification « Les Produits du Québec, janvier 2024
[10] Gouvernement du Québec, Politiques et orientations – Achetons québécois, avril 2025
[11] Les Affaires (Pierre Cléroux), L’achat local pourrait injecter 12 G$ dans notre économie et créer 60 000 empois, avril 2025